La pédagogue

Sa vie, son oeuvre

Biographie de Blanche Selva

Biographie

Dans la famille proche ou éloignée de Blanche Selva, on ne fait pas de musique, il n’y a pas de piano à la maison, son père certes possède une belle voix…
Blanche Selva la pianiste

La pianiste

Le répertoire de Blanche Selva, interprète, a été très vaste, allant des classiques du 17ème siècle aux compositeurs de son époque comme Honegger…

Blanche Selva la pédagogue

La pédagogue

Dès ses premiers concerts, à l’âge de 13 ans, Blanche Selva s’intéresse à la pédagogie et donne des leçons. Plus que l’interprétation, plus que l’exécution des oeuvres du répertoire…
Blanche Selva la compositrice

La compositrice

Dès son entrée à La Schola Cantorum en 1902 où elle suit, outre les cours de composition de Vincent d’Indy, ceux d’harmonie, de contrepoint et d’histoire de la musique…
Une pédagogue novatrice

Dès ses premiers concerts, à l’âge de 13 ans, Blanche Selva s’intéresse à la pédagogie et donne des leçons. Plus que l’interprétation, plus que l’exécution des oeuvres du répertoire, l’enseignement a été la manifestation la plus importante de son désir de transmettre et de guider les esprits les plus féconds au plus haut de l’art musical.

L'Enseignement musical de la Technique du Piano

Après la période de rodage à la Schola Cantorum, où sa pratique de professeur lui permet de mettre peu à peu au point les divers éléments de sa technique, Blanche Selva rédige de 1915 à 1925 un imposant traité intitulé Enseignement Musical de la Technique du Piano.

Cet ouvrage de plus de 1000 pages est un monument à la fois au plan pédagogique et à celui de la technique pianistique proprement dite.
Dans son titre, l’adjectif “Musical” est fondamental. N’est-ce pas en vue d’amener l’élève vers les plus hautes cimes de l’art, à l’aide d’une technique irréprochable, que cette méthode est destinée. Cet ouvrage est particulièrement remarquable par sa structure rigoureuse et sa progression pédagogique.
Que ce soit pour l’ouvrage entier, pour chacune de ses parties, pour chaque chapitre, chaque paragraphe, chaque exercice à l’intérieur d’un paragraphe, sont annoncés le “pour quoi” (objectif), le “pourquoi” (la raison d’être tout autant que le lien avec l’élément qui le précède), le “comment” (le mode opératoire).

Cette lente progression est une garantie de parvenir à l’excellence des résultats, mais demande de la ténacité, du travail et de la volonté, qualités qui ne sont certes pas les mieux partagées.

Blanche Selva mettra cet enseignement en pratique à travers un réseau de professeurs certifiés, habilités à s’en réclamer, dispersés dans toute la France (Paris, Lyon, Montpellier, Perpignan, Strasbourg, Nantes, Le Havre, Castre, etc), qu’elle s’efforcera de parcourir pour s’assurer de la bonne application des principes fondamentaux.

Durant la belle saison, elle rassemblera l’élite, professeurs et élèves, provenant notamment de l’étranger, dans ses classes d’été du Mas del Sol. Après 1930, ne pouvant plus jouer en public, Blanche Selva continuera à enseigner dans son Escola Blanca Selva à Barcelone, puis jusqu’à la fin de sa vie. Elle aura plus de 2000 élèves.

Méthode 2 Malkowski Kummer - 1924
Méthode 3 Malkowski Kummer - 1924
Exposé et démonstration de la méthode d’enseignement

Programme du concert d’élèves du 3 juin 1923, Salle Pleyel

Exposé et démonstration de la méthode d’enseignement. Programme du concert d’élèves du 3 juin 1923, Salle Pleyel
Catalogue des œuvres pédagogiques, théoriques et littéraires

Ce catalogue s’appuie sur des sources réunies et traitées par l’Association Blanche Selva. Il comprend les ouvrages, des articles et des conférences, écrits en français ou en catalan par Blanche Selva. En l’état actuel, il peut être considéré comme exhaustif pour les ouvrages.

Ouvrages

La Sonate. Etude de son évolution technique historique et expressive en vue de l’interprétation et de l’audition, Ed. Rouart, Lerolle et Cie, Paris 1913, 288 p. [1]

Quelques mots sur la sonate (évolution du genre). Collection Les Genres Musicaux. Librairie Paul Delaplane, Paris 1914, 225 p.

L’enseignement musical de la Technique du Piano, Tome I [2] – Principes de la sonorité au piano. Travail élémentaire du Toucher, Ed. Rouart, Lerolle et Cie, Paris 1916, Livre du maître, 142 p., Livre de l’élève, 25 p.

L’enseignement musical de la Technique du Piano, Tome II – La simultanéité des sons au piano, travail élémentaire des doubles notes. Fondement harmonique de la polyphonie et du trait., Ed. Rouart, Lerolle et Cie, Paris 1919, 271 p.

L’enseignement musical de la Technique du Piano, Livre préparatoire, Première partie : Principes primordiaux du travail pianistique, Ed. Rouart, Lerolle et Cie, Paris 1922, 77 p.

L’enseignement musical de la Technique du Piano, Tome III – Le Trait. Déploiement Rythmique de L’harmonie. Travail élémentaire des Enchaînements d’Octaves, Accords, Trémolo, Trille, Arpeggio, Gamme, Arpège, Traits composés. Première partie, Ed. Rouart, Lerolle et Cie, Paris 1923, 199 p.

L’enseignement musical de la Technique du Piano, Tome III – Le Trait. Déploiement Rythmique de L’harmonie. Travail élémentaire des Enchaînements d’Octaves, Accords, Trémolo, Trille, Arpeggio, Gamme, Arpège, Traits composés. Deuxième partie, Ed. Rouart, Lerolle et Cie, Paris 1924, 180 p.

L’enseignement musical de la Technique du Piano, Livre préparatoire, Seconde partie [3] : Préparation du toucher du piano, Ed. Rouart, Lerolle et Cie, Paris 1925, 256 p.

Les Sonates de Beethoven per a piano i per a piano i violi, Impremta Atenes A.G. Barcelona, 1927, 302 p. [4]

Déodat de Séverac, Collection Les Grands Maîtres d’aujourd’hui, Paris, Librairie Delagrave 1930, 119 p. [5]

Dialogue sur la Musique avec Marie-Françoise, Livre 1 Partie didactique. Mamé, à la cuisine fait des liqueurs de ménage. Ouvrage diffusé par abonnement. 1938-1939, 129 p. [6]

avec Joan Massiá, Les bases de l’accentuation musicale, Rouart, Lerolle et Cie. [7]
– Analyses d’œuvres musicales, Rouart, Lerolle et Cie.
avec Cécile Piriou-Kunc, Tables de Travail, Rouart, Lerolle et Cie.

Préface d’ouvrages

F.-A. Steinhausen, Les erreurs physiologiques et la transformation de la technique du Piano (trad. Mme E. Javal), préface de Blanche Selva, Rouart, Lerolle et Cie, Paris, 1914, 104 p.

Conférences

Causerie sur l’Art, sur l’Interprétation musicale et la Technique du piano, Tablettes de la Schola, oct-nov 1910

Causerie sur l’Art et son interprétation, Beaune 21 mars 1911, 11 pages. Imprimerie Notre Dame des Anges, Autun.

Causerie sur l’art, l’interprétation musicale et la technique du piano, Cherbourg, 11 février 1912, La Dépêche de Cherbourg, 27 pages. [8]

Exposé du 30 août 1926, Brive, compte rendu paru dans La Vie Limousine du 25 septembre 1926.

Beethoven, El nostre Cantor i Germa, Barcelona, [9] Automn, 1927

Nouveaux Conferencia inaugural : El romanticisme en là musica, El Centenari del Romanticisme a Barcelona. Barcelona, April 1930.

Articles de revues
Revista Musical Catalana [10]
Butlleti mensual de l’Orfeo Catala

Les sonates de Beethoven per a piano y per a violi i piano, explicades en vuit sessions a la sala Pares, amb la cooperació d’En Joan Massiá, Primera sessió [11] (12 de novembre de 1925), Any XXII, Novembre-Desembre 1925, Núms. 263-264, p.238-261
Les sonates de Beethoven per a piano y per a violi i piano, explicades en vuit sessions a la sala Pares, amb la cooperació d’En Joan Massiá, Segonda sessió (11 de desembre de 1925), Any XX III, Gener-Febrer 1926, Núms. 265-266, p. 1-16.
Les sonates de Beethoven per a piano y per a violi i piano, explicades en vuit sessions a la sala Pares, amb la cooperació d’En Joan Massiá, Tercera sessió (7 de Jener de 1926), Any XX III, Maig-Juny-Juliol 1926, Núms. 269-270-271, p. 97-124.
Les sonates de Beethoven per a piano y per a violi i piano, explicades en vuit sessions a la sala Pares, amb la cooperació d’En Joan Massiá, Quarta sessió (5 de Març de 1926), Any XX III, Agost-Setembre 1926, Núms. 272-273, p. 197-219.
Les sonates de Beethoven per a piano y per a violi i piano, explicades en vuit sessions a la sala Pares, amb la cooperació d’Een Joan Massiá, Cinquena sessió (26 de Març de 1926), Any XX III, Octubre 1926, Núms. 274, 249-260.
Les sonates de Beethoven per a piano y per a violi i piano, explicades en vuit sessions a la sala Pares, amb la cooperació d’Een Joan Massiá, Cinquena sessió (26 de Març de 1926), Any XX III, Acabament, Novembre-Desembre 1926, Núms. 275-276, p. 272-294.
Les sonates de Beethoven per a piano y per a violi i piano, explicades en vuit sessions a la sala Pares, amb la cooperació d’En Joan Massiá, Sisena sessió (15 d’Abril de 1926), Any XX IV, Març-Abril 1927, Núms. 279-280, p. 71-100
Les sonates de Beethoven per a piano y per a violi i piano, explicades en vuit sessions a la sala Pares, amb la cooperació d’En Joan Massiá, Setena sessió (31 de Maig de 1926), Any XX IV, Maig-Agost 1927, Núms. 281-284, p.162-195.
Les sonates de Beethoven per a piano y per a violi i piano, explicades en vuit sessions a la sala Pares, amb la cooperació d’En Joan Massiá, Vuitena sessió (11 de Juny de 1926), Any XX IV, Setembre-Octubre 1927, Núms. 285-286, p. 236-274.
In memoriam, Any XXIX, Gener 1932, Núm. 337. p. 2-3.
La música par a piano de Vincent d’Indy. Any XXIX, Gener 1932, Núm. 337, p. 24-30.
La música par a piano de Vincent d’Indy (Acabament), Any XXIX, Febrer 1932, Núm. 338, p. 49-56.
Evocacions d’art, I, Algunes reflexions sobre Vincent d’Indy, Any XXX, Octubre 1933, Núm. 358, p. 401-410.
Evocacions d’art, II, Comentaris a un article de Pere Benavent, Any XXXI, Abril 1934, Núm. 364, p. 129-138.
Evocacions d’art, III, Paisatge, Any XXXI, Juny 1934, Núm. 366, p.217-221.
Evocacions d’art, IV, L’Esperit d’infancia, [sans date], p. 315-320.
Evocacions d’art, V, Pensaments directius d’interpretacio musical, s.d., p. 388-392.
Evocacions d’art, Meditacio sobre al silenci., Any XXXII , Abril 1935, Núm 376.
Evocacions d’art, VI, Músiques modernes, músiques antiques … Música !”, AnyXXXIII, Juny 1936, Núm. 390, p. 225-234.
A casa la musica (fantasia), sd, p. 53-55.

Autres revues

La revue musicale, Notes sur les études de piano, 1er juillet 1906, n°13, p. 319-321.
L’Occident, Chronique Musicale, février 1909, p. 86-89.
Tablette de la Schola, Causerie, juin 1917, p. 25-28.
Le Feu, Organe de régionalisme méditerranéen, n° 22, A Charles Bordes, 15 novembre 1919, p. 69.
ablette de la Schola, Réflexions de voyage, janvier 1920, N° 3, p. 45-50.
Hudebni Revue, L’importance des contacts entre la musique française et la musique tchèque, 14ème année, janvier 1920, p. 133-137.
Le Monde Musical, Déodat de Séverac, 32ème année, n°7 et 8 , 15 et 30 avril 1921, p. 117-119
La Revue Musicale, La musique pour piano de Déodat de Séverac, juin 1921, p 217-230.
L’Alsace française, La musique en Tchécoslovaquie, 28 janvier 1922, p. 81-83.
La Revue Musicale, La jeune école tchèque, n°8 1er juin 1923, p. 134-146.
Article de presse non identifié, De com l’art modern no contradiu pas l’art antic i de com l’art antic no impedeix pas l’art modern, janvier 1930.
Latinité, La musique pour Piano, N° spécial consacré à Vincent D’Indy, 2ème année, n°3, mars 1930, p. 302-312.

Fascicules accompagnant l’Enseignement musical de la technique du piano [12]
Choix d’exercices et d’études avec la manière de les travailler et les doigtés par Bl. Selva
Collection : Le Travail technique du piano. B. Roudanez, Editeur, Paris

Kullak, L’Etude des Octaves (4 fascicules).
Clementi, 6 Canons.
Clementi, Le Travail des cinq doigts.
Bach, Solfeggio.
Schumann, Exercices préparatoires aux Caprices de Paganini.
Schumann, Associations fondamentales des mouvements.
Safonoff, Le Passage du pouce.
Safonoff, Les substitutions double.
Safonoff, Les Tierces.
Allix, Enfantillages.
Allix Pages anciennes.
Cadier, Sonatine en Sol.
Lefévre, Petite Suite.
Orban, Thème et Variations
Jean-Guy Ropartz, Chansons de France pour les enfants harmonisées.
Guy de Lioncourt, Petites suites scholastiques.

Autres Exercices pour l’enseignement du Piano commentés par Blanche Selva

Marcel Orban, Dix petites pièces enfantines pour les jeunes pianistes, Préface et commentaires d’exécution par Blanche Selva, 19 pages de musique, VII pages de commentaires, l’Edition Mutuelle, 1911

Bulletins mensuels de l’Enseignement de Blanche Selva

La Chaine selvique, n°1, novembre 1923 à n°6, avril 1924. Rédaction et administration B. Roudanez [13]

[1] Les ouvrages, La Sonate, L’Enseignement Musical de la Technique du Piano, sont consultables à la BnF
[2] Les Tomes 1 et 2 de l’Enseignement Musical de la Technique du Piano et Quelques mots sur la Sonate ont été publiés en Braille abrégé, Association Valentin Haüy, sans date de transcription.
[3] Le Livre préparatoire 1ère partie paru après les Tomes 1 et 2 et le Livre préparatoire 2ème partie, paru après le Tome 3 doivent être replacés au plan pédagogique avant le Tome 1.
[4] Cet ouvrage est consultable à la Bibliothèque du Palao de la Musica Catalana, Barcelone.
[5] Collection particulière.
[6] Le Dialogue sur la Musique avec Marie-Françoise est consultable au Conservatoire Royal de Musique, Bruxelles. Ce dialogue, inachevé, devait comporter 22 livres regroupés en trois parties, Au cœur du piano, Paysages d’harmonie, Souvenir et confidences.
[7] Ni les dates d’édition ni les lieux où l’on pourrait trouver ces trois ouvrages n’ont pu être identifiés.
[8] Cette causerie est consultable à la BnF, les autres font partie d’une collection particulière.
[9] Conférence lue par Joan Llongueres dans la salle du Palao de la Musica Catalana, Barcelone.
[10] Ces articles sont consultables à la bibliothèque du Palao de La Musica Catalana, Barcelone.
[11] Ces différents articles sur les Sonates de Beethoven ont été édités dans l’ouvrage « Les Sonates de Beethoven per a piano i per a piano i violi », 302 p., Impremta Atenes A.G. Barcelona, 1927.
[12] Ces fascicules sont placés dans ce catalogue car ce sont des compléments de travail des ouvrages sur l’Enseignement Musical de La Technique du Piano et comportent pour certains plusieurs pages de commentaires explicatifs, rédigés par Blanche Selva.
[13] Bibliothèque cantonale de Lausanne.

Conférence de Diane Andersen

Diane Andersen mène de front une brillante carrière de pianiste-concertiste, témoignage d’un parcours où la curiosité est permanente, à la découverte de nouveaux répertoires et une activité de pédagogue soutenue. Enseignante, après une brillante carrière de professeur aux Conservatoires Royaux de Mons et de Bruxelles, elle donne régulièrement des master classes dans de nombreux pays : États-Unis, Canada, Europe, Russie, Argentine, Chine, Corée et Japon. Elle est reconnue comme “Steinway Artist”.

La conférence sur la méthode d’enseignement de Blanche Selva, dont le texte intégral figure ci-dessous, a été présentée par Diane Andersen à Dusseldorf, en mai 2013, lors du dernier congrès de L’EPTA (European Piano Teacher’s Association) dont Diane Andersen est présidente pour la Belgique. Diane Andersen a déjà donné plusieurs conférences sur ce thème en Autriche, Suisse et en France.

Elle présente un intérêt évident de synthèse et de mise en actualité de l’Enseignement musical que Blanche Selva a donné dans ses ouvrages et transmis tout au long de sa carrière de pédagogue.

Diane Andersen nous autorise à en faire la publication dans la forme où elle a été présentée lors du congrès et dans la langue de son intervention. Nous l’en remercions vivement.

EPTA annual conférence Dusseldorf Mai 12, 2013

La Conférence de Diane Andersen est disponible au format PDF en téléchargement ci-dessous.

Interview de Jean-Joël Barbier

Interview faite à Paris le 6 juillet 1987 et le 28 juin 1988 de Jean-Joël Barbier (Pianiste né à Belfort le 25 mars 1920, mort à Paris le 1er juin 1994), extraite de Charles Timbrell (Professeur de Musique et coordinateur des études pour le clavier à l’Université Howard de Washington DC), French Pianism, 2e ed., 1999, pp. 203-207.
(Avec l’autorisation de l’auteur).

Je sais que vous avez été influencé par l’enseignement de Blanche Selva dont les idées sur la façon de jouer au piano étaient tout à fait opposées à ce qui était traditionnellement pratiqué en France dans ce domaine. Ainsi, il me semble entendre un reflet de son approche dans votre excellent enregistrement de Cerdaña qu’elle créa. Jusqu’à quel point ses idées vous ont-elles atteint pendant votre perfectionnement ?

J-JB. Depuis le début. J’ai commencé le piano à 6 ans à Belfort avec Louise Terrier, une femme qui fut grandement influencée par l’enseignement de Selva [1] . Elle suivait depuis des années les cours d’été de Selva. J’ai travaillé avec Terrier pendant 11 ans et ensuite de 1937 à 1939 j’ai été suivi par la collaboratrice principale de Selva, Libuše Novák [2] . Novák avait assisté aux leçons de Selva à Prague aux alentours de 1920 et avait été si impressionnée qu’elle suivit Selva en France et devint son assistante. Elle jouait à merveille un grand nombre d’œuvres de musique française. C’était un professeur très dynamique – même plus que Selva, ce qui pouvait décourager nombre d’étudiants. Bien que je n’ai effectivement jamais eu d’enseignement direct de Selva, je l’ai souvent entendue en venant à ses cours, et comme je l’ai dit, j’ai étudié avec ces deux femmes qui ont été tellement influencées par elle. Je me préparais à entrer au Conservatoire, lorsque la guerre éclata et je fus mobilisé. Ainsi je me remis à la musique qu’une fois la guerre terminée.

Comment pouvez-vous résumer l’approche de Selva ?

J-JB. Les trois ou quatre idées les plus importantes de Selva ont été largement développées tout au long de son enseignement. La plus importante a été celle du concept de décontraction musculaire pour lequel le bras doit tomber sur le clavier comme un poids mort, mais avec le bout des doigts fermes, puis il devait remonter tout en laissant les doigts en contact avec les touches. Dans divers exercices, le poids du bras était combiné avec des mouvements de doigts et de mains. La fermeté de l’extrémité des doigts était importante à garder pour cela afin d’éviter toute sensation de mollesse (je dois ajouter incidemment que la pesanteur du bras était naturelle pour Selva qui était une femme imposante).

En second lieu, elle demandait à ses élèves de développer une technique dite « scratch [3] » qui consistait à déplacer le doigt au bord de la touche avant de la quitter. Chaque mouvement devait être répété inlassablement tout en comptant un certain nombre de temps. Pour les débutants elle avait élaboré des exercices à faire en dehors du piano où les doigts de la main fermée reposant sur une surface plane devaient être ouverts progressivement jusqu’au maximum, en dix étapes, chacun maintenu pendant quatre temps lents. Puis à l’inverse, les doigts devaient se replier graduellement pour refermer la main également en dix étapes. Elle avait aussi conçu des exercices pour déplacer le poignet et tous ces exercices étaient exécutés sur une table ou sur un bureau.
Finalement, comme Rudolf Breithaupt dont elle a beaucoup subi l’influence, elle ne s’est jamais lassée d’insister sur la rotation du bras. Mais elle fit encore mieux. Pour les débutants elle pratiquait la gymnastique rythmique d’Emile Jaques-Dalcroze, et je me souviens qu’à un moment, elle fit venir de Bâle une femme qui se spécialisa dans cette technique. Ce professeur faisait marcher et courir en musique les élèves selon divers tempo et divers rythmes en leur faisait mouvoir un bras sur deux temps pendant que l’autre le faisait en quatre. Ceci favorisait la participation du corps dans son ensemble, approche qui était au cœur de la pratique et de l’enseignement Selva.

Par cette préoccupation à exercer plutôt les grands muscles, pensez-vous que Selva s’est moins intéressée que d’autres professeurs français à l’articulation de doigts ?

J-JB. Peut-être un peu moins. Mais elle était très attentive à trouver les sonorités propres à différents sentiments et différentes notations. Elle en expérimenta beaucoup à l’aide d’un grand nombre de types d’attaque et différentes vitesses d’appui et ses ouvrages d’enseignement sont remplis d’explications sur toutes sortes de touchers. Je dirai en définitive que l’articulation des doigts n’était pas la dernière de ses préoccupations.

Vous avez aussi étudié avec Lazare-Lévy. Ses idées étaient-elles compatibles avec celles de Selva ou de Novák ?

J-JB. J’ai été suivi par Lazare-Lévy pendant 2 ans, en même temps que j’étudiais avec Novák et leur manière d’enseigner n’était réellement différente que sur un point important. Alors qu’il voulait que les doigts devaient toujours appuyer sur les touches, et même rester relativement plats, Selva et Novák voulaient souvent que les doigts soient plutôt tirés en avant pendant le jeu et ainsi être plus courbés au niveau des jointures, mais je ne pense pas que Lazare-Lévy ait été nécessairement opposé à l’approche de Selva. D’un autre côté, Cortot ne s’intéressait pas du tout à ses idées. Il prévint un jour l’une des élèves de Selva, qui venait pour étudier avec lui, qu’il lui faudrait reprendre tout depuis le début.

Quel aspect purement musical avez-vous retenu des enseignements de Selva ?

J-JB. Je me rappelle qu’elle insistait sur la respiration de la phrase qu’il fallait maintenir pendant le jeu. Elle-même phrasait de façon naturelle, en de longues et longues périodes, ne s’arrêtant pas pour mettre en valeur une note ou un accord. Cela convenait mieux à la musique baroque ou à la musique contemporaine qu’à la musique romantique. Par exemple dans la Ballade en sol mineur de Chopin, au milieu du deuxième thème, lorsqu’arrive un si bécarre à la main droite et un do à la main gauche (mesure 80), elle ne s’arrêtait pas pour obtenir un effet expressif comme essayait de le faire la plupart des pianistes.
Selva ne jouait jamais de mémoire même si elle connaissait très bien la partition. Elle faisait partie de cette école où la virtuosité pour la virtuosité était bannie. Viñès aussi jouait avec la partition, même dans les Nuits dans les jardins d’Espagne de Falla avec orchestre. Viñes et Selva ont souvent donné des créations et tous deux ont joué des pièces nouvelles à quelques semaines d’intervalles.

Selva était-elle un professeur populaire ? J’ai eu quelques difficultés à retrouver des élèves.

J-JB. Elle a été très respectée par les compositeurs, surtout ceux gravitant autour de la Schola Cantorum où elle enseigna dès le début. Elle fut professeur à Strasbourg, Brive, Prague et Barcelone et elle était très suivie.
Mais je sais qu’elle était un professeur extrêmement critique et impatient et il est possible que certains élèves ne soient pas restés avec elle très longtemps. Ses concepts étaient très intellectuels et ne pouvaient être acquis rapidement. Certainement elle parlait de la nécessité d’avoir une bonne oreille, mais c’est le cerveau qui était le point de départ. Cela nous parait aujourd’hui évident mais ne l’était pas à ce moment.

Charles Timbrell

[1] Il s’agit peut-être de la sœur de Clémence Terrier qui obtint son diplôme le 21 août 1922 à Brive avec la mention Bien.
[2] Libuše Vejrichová, née le 12 septembre 1900 épousa un Novák pour devenir Libuše Nováková-Vejrichová. Elle obtint son diplôme à Prague le 13 mars 1921 avec la mention Très Bien
[3] Terme non traduit qui pourrait être rendu par technique d’égratignure ou technique de glissement (voir Tome 3 1ère Partie de l’Enseignement Musical de la Technique du Piano, pages 37 et ss).

Sa vie son œuvre

Découvrez la vie et l’œuvre de Blanche Selva à travers son parcours de pianiste au répertoire très vaste, de pédagogue novatrice et de compositrice.

Biographie

Dans la famille proche ou éloignée de Blanche Selva, on ne fait pas de musique, il n’y a pas de piano à la maison, son père certes possède une belle voix…

La pianiste

Le répertoire de Blanche Selva, interprète, a été très vaste, allant des classiques du 17ème siècle aux compositeurs de son époque comme Honegger…

La pédagogue

Dès ses premiers concerts, à l’âge de 13 ans, Blanche Selva s’intéresse à la pédagogie et donne des leçons. Plus que l’interprétation…

La compositrice

Dès son entrée à La Schola Cantorum en 1902 où elle suit, outre les cours de composition de Vincent d’Indy, ceux d’harmonie, de contrepoint…